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�UNIVERSITÉ DE ];'RANCE. -
ACADÉMIE DE NANCY.
INAUGURATION
DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE
ET
RENTRÉE DES FACULTÉS
DE DROIT, DES SCIENCES ET DESLE'l'.TRES
DE NANCY
I.e
1"
NoveIubre
1
NANCY
IMPRIMERIE DE BERGER-LEVRAUL'l' ET Cie.
11, nUE JEAN-LAMOUR, 11
1873
��R.A.PPORT
DE M. LE DOYEN DE LA J?ACULTÉ DES LETTRES
MESSIEUnS,
Aujourd'hui tout l'intérêt de notre séance de rentrée s'absorbe dans l'installation de cette Faculté de Médecine et de
Pharmacie, qui vient) après dix-huit ans d'attente, compléter
notre Université de Nancy. Car voilà dix-huit ans déjà que
nous inaugurions ici l'enseignement supérieur avec une
Faculté des Sciences ct une Faculté des Lettres, mais pleins
de foi dans la fortune de cette jeune Université, dont nous
venions jeter les fondements, et dans l'avenir de cette vHle.
Le succès a justifié notre confiance. Dix ans après, en 1864,
la Faculté dc Droit nous était donnée, dès son début si florissante. Aujourd'hui, c'est la Faculté de l\Iédecine de Strasbourg, dont Nancy recueille l'héritage. Le faisceau est complet.
Pourquoi faut-il que nous ayons acheté ce dernier avantage
au prix de si grands désastres de la patrie, et que dans ces
nouveaux collègues que le sort nous amène, nous accu cillions
des exilés! Puissent-ils elu moins trouver ici dans notre hospitalité quelque adoucissement à leurs regrets! Puisse la nouvelle destinée, qui s'ouvre ici à leur Faculté, leur faire oublier
la douleur de l'exil!
Je reviens à notre Faculté des Lettres, qui, elle aussi, devait particulièrement recueillir quelques épaves dans cc douloureux naufrage. Car elle hérite, de la Faculté des Lettres
de Strasbourg, deux chaires nouvelles, qui lui permettront
�02
RENTRÉE SOLENNELLE
de donner désormais plus de développement à l'enseignement
de la Littérature ancienne et aux études d'Histoire et de
Géographie.
Quelques mots sur nos Examens de 1'an dernier, et sur la
distribution do notre enseignement pour la présente année.
1. -- EXAl\tIENS.
Point de Doctorat cette année. Nous écartons d'ici les
thèses médiocres; et les thèses distinguées vont (souvent sur
notre conseil) chercher le grand jour de Paris et une utile
renommée. Une soutenance toutefois aura lieu ces jours-ci;
et le mérite connu du candidat, aussi bien que la solidité de
ses thèses, nous promet une brillante épreuve.
LICENCE. - Vous savez que nous avons ici des Conférences
spéciales pOUl' préparer les jcunes gens à co grade de licencié ès lettres. Dieu sait que nous n'y épargnons pas nos
soins ni nos peines. Et cependant, dans les examens de cette
année, ce sont d'ordinaire les candidats du dchors qui ont
obtenu les premiers rangs.
Ainsi, à la Session de novembre 1871, SUl' les quatre candidats admis, le premier, M. Fénal, n'appartenait que de loin
à notre Faculté; lVur. les abbés Boissière et Gaulle nous
étaient venus des Carmes; M. Dumont seul avait été un de
nos disciples assidus.
Ainsi encore, à la dernière Session de juillet, nos candidats
admis étaient pareillement pour la plupart des étrangers. Sur
treize qui se sont présentés, les sire qui ont été jugés dignes
du grade n'avaient guère eu avec notre Faculté que cles rapports éloignés. Ce sont: M. Marchal, cle Bar<le-Duc, esprit
heureux et cultivé avec soin, qui préludait clans nos examens
au concours de l'École normale, où il vient d'entrer avcc
distinction. -l\t1.l'abbé I froncy, élève de l'éeole des Carmes.
- l\tI. Lombard, celui-là un cles nôtres, qui soutient dignement l'honneur clu nom paternel et marche vaillemment sur
�DES FACULTÉS.
G3
les traees de son aîné. - lYI. Simon, qui était .alors un des
meilleurs professeurs du collége de Pont-à-lYlousson, et qui
vient d'être appelé au lycée de Versailles. - lYI. KTantz, que
nos espérances et nos vœux désignaient, comme Marchal son
émule, pour l'École normale, et qui assurément, s'il veut
persévérer, y a sa place marquée. - Et enfin, M. l'abbé Latty,
élève de l'école dcs Oarmes et chapelain de Sainte-Geneviève.
En louant ainsi cette élite de nos candidats, dont le succès
a couronné le travail et le talent, je dois cependant rendre
justice à ceux de leurs rivaux, qui, en approchant plus ou
moins de la borne du stade, n'ont pu encore la doubler. Plusieurs d'entre eux étaient bien jeunes et n'avaient pu assez
mûrir et féconder leurs études par la réflexion. Ohez d'autres, la première éducation classique avait laissé bien des
lacunes à combler. Du moins, sans pouvoir encore les admettre, nous avons su apprécier leurs louable., efforts et
mesurer leurs progrès accomplis.
BACCALAURÉAT. - 479 candidats se sont présentés à cet
examen dans le cours de l'année. O'est le plus haut chiffre
que nous ayions encore atteint; héritage en partie des provinces annexées. Oes jeunes gens, victimes de la conquête,
semblent chercher, dans le diplôme de bachelier, comme un
titre de citoyen français: c'est leur option. Mais je n'ose
espérer que ce chiffre se maintienne. Avec Metz, en effet,
notre Académie a perdu deux établissements considérables
d'instruction secondaire, le lycée d'abord, et ensuite le collège Saint-Clément, qui vient d'être proscrit à son tour, et
dont les maîtres et les élèves sont condamnés à se disperser
dans des maisons 10intail1es. L'Académie de Nancy a pOl'du
là deux des plus beaux fleurons de sa couronne.
Si, l'an dernier, nous avons dû user de quelque indulgence
pour biel1 des jeunes gens dont la guel're avait troublé les
études, l'examen, cette année, a pu reprendre son juste niveau. Peut-être même pourrait-on dire qu'en somme, depuis
la guerre, les études ont gagné dans nos coI1éges, et que la
�UE:'!TUÉE SOLEè\è\ELLE
leçon cruelle cles événements n'a pas été entièrement perdue
pour notre jeunesse. Sans doute, ce n'est pas dans le Discours
latin, co fruit de tout os les études accumulées, que cette
amélioration se fait sentir: on ne refait pas à la veille de
l'examon une éducation classique manquée.' Nous y remarquons toujours trop, combien l'histoire moderne a fait oublier
à nos élèves l'histoire ancienne, qui sert ordinairement do
oadre à cette composition: Rome et Athènes leur sont devenues
des villes étrangères, et tous les grands et généreux lieux
communs de leur histoire n'éveillent plus en leurs cœurs l1l1!
souvenir, nul écho. De là ces amplifications banales, ces paraphrases stériles de la matière, où nos enfants n'apprennent
que l'art funeste de déclamer dans le vide. La Version en
général vaut mieux, et prouve oombien cet exercice de traduction (en mêmo temps qu'il fait mieux pénétrer dans le
génie de la langue latine) est propre à leur enseigner les
ressources de la langue française et l'art du style. Mais la
meilleure des trois compositions est encore la Dissertation
philosophique. On y peut apprécier combien la plupart de ces
jeunes esprits profitent il, vivre un an dans le commerce de
ces hautes matières, et combien cette discipline du raisonnement les façonne à la méthode, à la rigueur scientifique
et à l'exposition exacte de leurs idées, en même temps
. qu'une saine doctrine contribue à les armer à l'avanee contre
les chimères dangereuses et les systèmes malsains, qui vont,
au sortir du collége, assaillir leur jeunesse. Bien des candidats, insuffisants d'ailleurs, ont dû à cette composition meil..
leure d'être admis par voie de compensation à l'épreuve orale,
et partant au succès définitif.
Car lc nombre des candidats, qui échouent sur cette seconde
partie de l'épreuve, est relativement assez restreint. Non pas que
cet examen oral soit bien brillant. Sauf quelques exceptions,
il est même généralement asscz terne. Qu'en dirai-je que je
n'ai maintes fois déjà répété? Que le grec est toujours en
déclin; que l'explication des auteurs
soutient mieux,
�G5
DES FACULTÉS.
mais que l'étude des auteurs français continue à être singulièrement négligée dans notre éducation classique. Que la
philosophie fait assez bonne figure à l'examen oral comme
aux compositions; mais que l'histoire et la géographie sont
loin encore d'avoir conquis dans nos études leur rang légitime.
En revanche, la moyenne des examens sur les éléments des
sciences physiques et mathématiques s'est fort relevée dans nos
récentes épreuves. Nos candidats, au témoignage de leurs
examinateurs, auraient été, sur ce point, supérieurs à la plupart des candidats au Baccalauréat ès sciences, et auraient
en ontre montré combien une cultnre littéraire pIns complète
donne à l'esprit plus d'étendue et de ressort.
Je m'étonne que, dans notre province, nos candidats en·
général ne mettent pas pIns d'empressement à réclamer
l'examen facultatif snI' les lal1gnes vivantes. La connaissance
d'une ou deux langues modernes devient désormais indispensable dans une éducation libérale; il est temps qu'elle
devienne dans un examen littéraire une condition obligatoire.
Sur les 479 candidats (qui se sont présentés dans les trois
sessions de novembre 1871, de mars et d'août 1872), 251 ont
été admis (52,4 pour 100) et 228 ont été éliminés, à savoir:
177 à l'ép1'euve écrite et 51 à l'épl'euve omle.
Parmi les 251 candidats heureux, 2 seulement ont été
admis avec la note très-bien: MM. Hémardinquer et BeligmanLui. - 6 avec la mention bien: MM. Chavegrin, Manœuvre,
Burckhardt, Huet, Balland et Gruchet. -73 avec assez bien.
170 avec la modeste note passablement (1).
(1) Tableau de la statistique des trois Sessions.
ÉLIMINts
ADMIS
"
:a
SESSIONS.
----- - - - - Novembre 1871 ••
Mars 1872 • • •. . .
Aoftt 1872. • • . •.
TOTAL. • • • • ••
131
46
302
54
13
110
14
8
29
-,- - - - - - - 68
21
139
1
4
55
21
94
3
63
63
25
163
-- -177 - 51 - - : - - - - 73 - - - 479
228
2
6
170
251
5
�66
RENTRÉE SOLENNELLE
Ainsi le chiffre des aélmis dépas'3e à peine la moitié du
nombre des candidats. N'est-ce pas un résultat déplorable?
Quand cet examen du .Baccalauréat n'a pour objet que dG
constater des études classiques régulièrement faites, comment
se fait-il que tant de candidats n'y puissent pas satisfaire?
Sommes-nous donc trop sévères? et sommes-nous justement
maudits? Non, certes. Mais est-ce notre faute, si on laisse
monter de classe en"classe des élèves incapables, qu'on devrait
arrêter par de sérieux examens de passage dans la classe inférieure,jusqu'à ce qu'ils fussent en état d'être admis sérieusement à la classe supérieurc? Doit-on s'cn prendre à nous,
s'ils arrivent de la sorte à l'issue de leurs études, sans qu'on
les ait avertis jusque-là de leur insuffisance, pour être alors
arrêtés devant la grille qui est placée au bout? Dans sa récente circulaire, le Ministre de l'Instruction publique insiste
sur cettû nécessité de poser les barrières à chaque degré des
études, au lieu de laisser les élèves avancer librement jusqu'à
cette porte du Baccalauréat, que la moitié d'entre eux a tant de
peine de tourner ou de prendre d'assaut. Que cette discipline
nécessaire soit sérieusement appliquée, et je m'engage d'honneur, d'ici à quelques années, à recevoir tous les candidats
qui se présenteront pour obtenir le grade de bachelier.
II. -
ENSEIGNEMEN'l'.
Je vous disais, Messieurs, que le Ministre de l'Instruction
publique, en même temps qu'il groupait à Nancy quatre
Facultés en une véritable Université,avait voulu développer
et fortifier chacune de ces Facultés, en les dotant de chaires
nouvelles, pour répondre à toutes les vocations de la science,
moderne et à tous les besoins de notre temps.
Ainsi, dans notre Faculté des Lettres, la chaire de Litté·
1'ature ancienne de
j transférée ici, a permis de
dédoubler l'enseignement de l'Antiquité classique. Depuis
un an déjà, DOUS avons pour cet objet deux chaires distinctes:
�DES FACULTÉS.
67
l'une consacrée à la Langtle et à la Littérature grecques,
l'autre à la Langue et à la Littémtm'e latines. Le Ministre a
pensé, sans doute, qu'au moment où la 'part de cet enseignement classique allait être réduite dans le plan des études,
il était convenable de l'augmenter dans l'Instruction supérIeure.
M. Campaux, qui, l'an dernier, en succédant directement
à notre bien regretté collègue Eugène Benoist, avait pris
possession de la Grèce comme de son domaine naturel, mais
qui n'est pas moins chez lui dans l'antique Rome, enseignera
désormais la Langue et la Littérature latines. Il cède l'enseignement de la Langue et de la Littérature grecques à un
jeune helléniste, M. Decharme, qui, dès l'École normale,
mais surtout à l'École d'Athènes, annonçait sa vocation particulière pour l'érudition hellénique, et qui, à ce titre, semblait
prédestiné surtout pour cette chaire. Ses leçons de l'an dernier
sur la mythologie homérique ont pleinement justifié cette
espérance.
D'un autre côté, en transférant ici par un récent décret la
chaire d'Histoire de la Faculté de Strasbourg, le Ministre
l'affectait spécialement à l'enseignement de la Géographie,
faisant ainsi une part expresse dans l'Instruction supérieure
à une science jusqu'ici trop négligée, mais qui prend désormais son rang parmi nous comme de vive force et par droit de
conquête. Pour inaugurer cette chaire nouvelle, il y appelle
un jeune professeur, M. Vidal-Lablache, que ses succès déjà
anciens à l'Agrégation d'histoire et ses travaux à l'école
d'Athènes désignaient entre tous pour cet enseignement.
Dans la chaire même d' Histoire proprement dite, nous
avons te bonheur de conserver, comme suppléant de M. Lacroix, M. Petit de Julleville, dont nous avons tous pu apprécier le talent élevé dans ce COurs éloquent de l'an dernier,
où il nous retraçait d'une façon si instructive et si pathétique
les destinées de la Grèce sous la domination romaine.
Enfin, dans le courant de la dernière année, lVI. Gebhal't,
�68
RE:.'!TRfE SOLENNELLE
nommé titulaire à la place de l'fI. Chasles, entrait en possession définitive de la chaire de Littérature étrangère, à laquelle il s'était acquis tant de titres depuis huit ans qu'il
l'occupait comme suppléant.
C'est ainsi que notre Faculté des Lettres se renouvelle et
se rajeunit d'année en année par l'infusion d'un sang nOll.veau. Je demeure aujourd'hui seul de la fondation. Tous les
autres sont partis, pour suivre ailleurs leur fortune. Mon
cher Lacroix, qui datait comme moi des premiers jours, ne
nous appartient plus que d'esprit et de cœur; la Sorbonne,
qui nous l'a emprunté, sans doute le gardera. - Du moins
M. de Margerie, qui vint ici dès la seconde année, nous
reste. Il s'est attaché à notre ville et à notre Faculté, dont il
est l'honneur, comme à sa patrie, par tout le bien qu'il y
faisait. Nous en sommes, à nous deux, les hommes des anciensjours et comme la tradition vivante au milieu des changements qui transforment successivement notre personnel.
En verité, si, comme Nestor, le vieux doyen ne peut se défendre d'un sentiment de mélancolie à voir se succéder ainsi
autour de lui ces jeunes générations de professeurs, du moins
il éprouve une satisfaction généreuse à suivre en esprit ceux
qui nous ont quittés, les Mézières, les Burnouf, les Lacroix,
les Eugène Benoist, lesquels continuent à faire tant d'honneur par leur fortune à la Faculté de Nancy, à laquelle ils
ont appartenu; et, d'un autre côté, il a le droit de se glorifier
du soin qu'apporte l'Administration supérieure à désigner
leurs successeurs. En considérant autour de moi ces jeunes
et vaillantes recrues, qui viennent depuis un an renforcer
notre bataillon sacré, mon premier sentiment est de remercier le Ministre de cette sollicitude, avec laquelle il li choisi
les maîtres chargés de soutenir la renommée des anciennes
chaires et d'inaugurer les chaires nouvelles. Assurément,
en face de cette ample Université germanique, que l'Allemagne vient d'instituer à Strasbourg, et qu'elle dote avec
une libéralité superbe, j'espère que l'Université de Nancy
�DES FACULTÉS.
69
sera en mesure de faire bonne figure. - Pour justifier la
confiance du Ministre et mériter ce poste d'honneur qu'il
nous a assigné, nous redoublerons d'efforts de notre côté.
Vous savez, Messieurs, que pour remplir cette mission, ce
, n'est pas le zèle qui nous manque. Mais il faut que nous y
soyons aidés par la bonne volonté de tous. Nous ne pouvons
rien sans votre concours.
Notre enseignement, vous le savez, a un double objet. D'un
côté, dans des Conférences d'un caractère plus intime et plus
austère, nous groupons autour de nous un petit nombre de
disciples, qui se préparent sous notre direction pour le professorat. - D'un autre côté, dans des Cours ouverts indistinctement à tous les auditeurs curieux des choses de l'esprit, nous nous proposons de répandre et de populariser
autour de nous tous les progrès de la science moderne, en
même temps que nous nous efforçons de ranimer et d'entretenir dans les esprits, avec le goût des lettres, le culte des
grandes pensées, qui font l'honneur de l'âme humaine et
comme le patrimoine particulier de la France.
Par les Conférences d'abord, il n'a certes pas tenu à nous,
que notre Faculté ne soit depuis longtemps devenue une succursale de l'École normale supérieure et une pépiniére de
jeunes maîtres pour l'Université. Assurément, il n'est pas
d'ambition plus légitime et plus opportune. Car, -en dehors
de l'École normale, qui ne reçoit guère chaque année qu'une
trentaine d'élèves pour les Sciences et pour les Lettres, il
n'y a pas d'autre centre d'études que nos Facultés, où tous
les autres jeunes gens qui se destinent à l'instruction puissent trouver une direction de leur travail. Bien des essais
sans doute ont été déjà tentés dans ce sens. Je crus la chose
assurée, quand M. Duruy, Ministre de l'Instruction publique,
résolut d'instituer, dans chaque grand lycée placé près d'une
Faculté, un corps de Maîtres - répétiteurs auxiliaires j auxquels on réservait un suffisant loisir pour leurs études. Mais, soit que l'œuvre n'ait pas été constituée tout d'abord sur
�70
RENTRÉE SOLENNELLE
un pied assez large et assez libéral, soit que le recrutement
de ces maîtres ne se soit pas fait avec de suffisantes ga-·
ranties, jusqu'ici le résultat n'a pas assez répondu à nos efforts et à nos espérances. Ce n'est pas que je me décourage.
Il faut seulement que l'institution s'élargisse et se régularise;
qu'en attirant à ces écoles par des avantages eertains l'élite
de nos jeunes maîtres, on puisse dès lors élever davantage
par le concours les conditions de l'admission. Enfin, ne pour.
rait-on pas exiger que, pour être admis à des fonctions dans
l'enseignement secondaire ou se présenter à l'Agrégation, on
fût astreint à participer pendant deux ou trois ans, d'une façon activé, aux études d'une Faeulté? Ce n'est qu'à ces conditions que cette création excellente de M. Duruy pourra
porter tous les fruits qu'on est én droit d'en attendre.
Quant it nos Cours publics, nOus aimerions à y voir en
plus grand nombre les jeunes gens de nos Écoles. Nous n'avons jamais voulu user avec eux du règlement qui les y
oblige. C'est par l'attrait seul et le sentiment de leur intérêt
bien entendu) que nOus voudrions réunir et retenir autour
de nos chairés ceux qui ont fait d'assez bonnes études, pour
en conserver le goût des lettres et des choses de l'esprit.
C'est à ces jeunes étudiants, en effet l que ces COurs s'adressent de préférence. Mais ils n'en sentent pas assez le
prix.
Je sais bien que les temps sont médiocrement favorables,
et que les esprits, surtout chez lesjeune générations, ne sont
guère tournés en ce moment vers ces études désintéressées
des Lettres. Les seiences positives et leurs merveilles, et les
sources de richesses qu'elles nous ouvrent pal' leur application à l'industrie, ont fasciné les imaginations et entraînent
l'attention ailleurs. Peut-être aussi les œuvres frivoles et
malsaines de la littérature contemporaine ont-elles trop blasé
et affadi les esprits, pour qu'ils puissent goûter encore l'austère et généreuse savèur des grandes âmes et des époques
saines. Ajoutez-yen outre, chez beaueoup de nOs jeunes
�71
gens, l'éloignement qu'ils ont gardé de leurs études pour
les lectures sérieuses. Tel est en effet le résultat funeste de ces
programmes, qui ont pesé si longtemps sur l'éducation littéraire de nos colléges, et dont un Ministre aussi sensé que
hardi essaie enfin de nous affranchir. Façonnés par une discipline mécanique, habitués à n'étudier que sous l'aiguillon
des examens, nos jeunes gens semblent n'avoir emporté de
ces études qu'un souvenir d'ennui.
Aussi, pour la plupart, les inscriptions prises à la Faculté
des Lettres ne sont-elles qu 1un impôt. Nous avions espéré,
cependant, que les grands et terribles enseignements que la
guerre nous a infligés, et les)umières sinistres qu'elle ajetées
sur nos misè,res morales, frapperaient davantage les âmés de la
jeunesse, en lui révélant ce qui nous manque surtout de solide dans le caractère, de sérieux dans l'esprit, d'exact dans
notre instruction. Mais le besoin de nous refaire un tempérament moral plus vigoureux, d'éclairer notre esprit et de fortifier nos cœurs pour toutes les crises, ne paraît pas encor':) être
suffisamment ressenti. Au lendemain même des catastrophes
inouies où la France a failli périr, plusieurs de nos professeurs dirigeaient volontiers leurs leçons vers la solution des
recloutables problèmes du présent et de l'avenir. - M. Petit de
Julleville étudiait d'une façon transparente, dans la Grèce
ancienne 1 comment les nations dépérissent, mais comment
aussi elles peuvent ressuseiter. M. de JYIargerie, au milieu
des ruines que les révolutions ont faites, et du trouble que
tant d'extravagantes utopies ont jeté dans les esprits, s'effor·
çait de dégager les principes immortels du droit et de la
morale sociale. A ces Cours si opportuns, qui ne se serait
attendu à voir toute la jeunesse de l'École de Droit? Les
professeurs en donnaient l'exemple. Mais les élèves, où
étaient-ils? Est-ce qu'ils étaient trop absorbés ailleurs par
leurs études spéciales? Mais, pendant la première année au
moins, n'a-t-on pas allégé tout exprès leurs études de Droit
pour leur laisser le loisir de poursuivre leur éducation phiDES FACU.LTÉS.
�72
RENTRÉE SOLENNELLE
losophique et littéraire? On croirait vraiment que, trop accoutumés à s'en tenir au strict nécessaire et à repousser tout
ce qui ne figure pas au programme de leurs examens, ils
ont peur d'une culture supérieure de l'esprit. A quoi cela
sert-il? disent-ils. Vous ne savez pas, jeunes gens, combien,
dans les carrières libérales où vous voulez entrer, ce supcrflu
devient le nécessaire; et combien votre esprit pourrait gagner
à élargir ici la sphère de ses idées en dehors de vos études
professionnelles, à sortir de lui-même et de son métier, pour
voir les choses sous une plus large perspective.
Mais, particulièrement en nos jours critiques et sur le sol
mouvant où nous marchons, vous est-il donc inutile, à vous
qui par vos fonctions devez prendre la tête du mouvement
social et servir aux autres d'exemple, vous est-il donc inu,.
tHe de chercher dans la science de l'âme et de la vie morale
une solution raisonnée à tous les problèmes qui nous assié.
,gent, de vous éclairer de l'expérience des siècles passés, et
d'affermir votre foi en remontant aux vérités immortelles?
Or, après la Religion, non, je ne sache rien enCOre qui soit
plus propre que le culte des Lettres (tel que nous l'entendons
ici), non-seulement à vous guider à travers les obscurités de
la vie, mais encore à fol'tifier vos courages contre les défaillances et à vous armer pour les combats qui vous attendent.
Mais en outre, vous, jeunes étudiants en :lYIédecine,quand
combien n'avez·
vous scrutez les mystères de
vous pas besoin, pour ne pas vous égarer, que la science
approfondie des. choses de l'âme vous explique mille phéno.
mènes dont la plus savante physiologie ne saurait vous renm'e
compte? Que je redoute même pour vous l'influence de.
l'amphithéâtre, si vous n'y entrez pas profondément pénétrés
des doctrines spiritualistes? Absorbés dans l'étude des organes, et comme fascinés par le mécanisme du cerveau, quo
je crains que vous ne perdiez parfois de vue cotte âme immatérielle et immortelle, à laquelle Dieu a donné pour instrument cet admirable organisme? Et .vous, étudiants en
�DES FACULTÉS.
73
Droit, quelle meilleure introduction pouvez-vous avoir de vos
études juridiques que la Philosophie et l'Histoire? La Philosophie vous apprend, en effet, à retrouver au fond de l'âme
humaine, comme gravée par le doigt même de Dieu, les
principes souverains et les lois éternelles, dont toutes nos
institutions politiques et civiles nes ont que le développement
et l'application aux besoins des sociétés humaines; en même
temps que la discussion des grands intérêts de la vie morale
élève votre esprit, affermit votre jugement et vous exerce à
la discipline de la pensée. Et l'Histoire, de son côté, en vous
montrant, à travers les vicissitudes de la vie des peuples,
comment les lois de chaque pays se modifient selon le génie,
la croyance, les mœurs de chacun et les progrès de la civilisation, l'Histoire vous instruit à mieux discerner, au milieu
de ces transformations, ce qu'il y a d'essentiel et d'immuable
dans le code des diverses nations, et ce qui, au contraire,
amené par des circonstances particulières, a pu disparaître
avec elles. Mais nous tous, du reste, plus les temps sont obscurs et l'avenir voilé, et plus nous avons besoin de recourir à
cette expérience de l'Histoire. Nous ne savons plus suffisamment, en effet, ce long passé du genre humain qui nous intéresse et qui peut tant servir à expliquer le présent. Car le
monde est comme le théâtre d'un drame immense, où chacune
des générations qui se succèdent est appelée il. jouer un rôle
à son tour. Il y a longtemps que la pièce est commencée, et
c'est aujourd'hui notre tour d'entrer en scène. Or, pouvonsnous comprendre le sujet et le sens du drame, et y faire convenablement notre personnage, si l'Histoire, comme un programme de la pièce, ne nous lllet au courant des actes
antérieurs?
Que dire maintenant des Cours de Lettres proprement dites?
Qui osera contester aujourd'hui la nécessité d'apprendre à
mieux connaître, par l'étude des littératures étrangères, le
génie des autres peuples? La guerre a rompu violemment le
cercle, où nous aimions à nous enfermer chez nous avec une
�74
SOLENNELLE
fatuité ridicule et paresseuse. Si la cùnnaissance de l'étranger n'était pour nous jusqu'ici qu'une simple curiosité, aujourd'hui c'est une nécessité. Il faut prendre à l'étranger ses
sciences, mais pour en faire un meilleur usage. Voilà la première conquête à laquelle nOus devons songer.
Qu'aiie besoin en outre,jeunes gens, de vous recommander
nùs cours divers de Littérature, quand ç'avait été jusqu'ici
une des nobles traditions de notre Magistrature et de notre
. Barreau, d'unir à la jurisprudence le culte des Lettres ?Souvenons-nous toujours qu'entre toutes les nations de l'Europe,
c'est la France, qui s'était autrefois posée comme l'héritière
de l'éloquence de la Grèce et de Rome. La France a toujours
aimé le bien dire: elle veut être à la fois convaincue et
charmée par ses orateurs. Vous tous donc, obligés par état
d'être éloquents, venez ici, venez alJprendre à connaître, dans
unc société plus intime, ces maîtres anciens et modernes de
la pensée et de la parole humaine, dont nous sommes chargés
de vous entretenir. Venez vous instruire à leurs propres
leçons, vous nourrir de leur pensée, vous inspirer de leur
âme. Car nous ne sommes ici que leurs interprètes. Nous
nous efforçons de rendre la vie sous vos yeux à leurs œuvres
éteintes, et de surpendre, pour vous les livrer, les secrets de
leur génie.
Aujourd'hui nous invitons la jeunesse de nos Écoles à
venir ici compléter .ses études littéraires. J'espère que bientôt on l'y contraindra. Ce sera, en effet, une des conséquences
inévitables des réformes, que M. le Ministre de l'Instruction
publique essaie en ce moment dans le système de notre éducation secondaire, si fréquemment remanié depuis vingt ans,
sans produira pour cela jusqu'ici des moissons plus fécondes.
Vous connaissez tous, Messieurs, cette récente circulaire,
où ]YI. le Ministre invitait les proviseurs et les professeurs de
nos Lycées, à alléger ce bagage d'études multiples, dont on
avait surchargé jusqu'à présent l'enseignement secondaire.
Il était temps. Car jusqu'ici on n'avait songé qu'à y faire en-
�DES FACULTÉS.
75
trer suecessivement toutes les sciences anciennes et modernes,
comme si le lycée dût suffire à tout, et par une instruction
universelle pourvoir à la fois un jeune homme de dix-huit
ans pour toutes les carrières de la vie. C'est ainsi qu'en
; maintenant intact le vieux fonds de l'enseignement classique,
on avait fait place à l'étude des langues modernes à côté du
latin et du grec. Non-seulement à l'histoire on avait justement rattaché la géographie, mais encore on avait étendu
l'histoire jusqu'à l'époque contemporaine, et on y avait fait
entrer la stastistique, le commerce, l'industrie, l'économie
politique, etc. Pareillement l'histoire de la philosophie était
venue s'adjoindre à la philosophie elle-même. Voilà pour les
lettres. Pour les sciences, à l'arithmétique, à la géométrie,
aux élements d'algèbre, On ajoutait l'histoire naturelle, l'hygiène, la physique, la chimie, la cosmographie. Et au milieu
de ces études si diverses et si multiples, il fallait encore
trouver le temps pour les exercices du corps, afin de maintenir autant que possible un harmonieux équilibre entre le
développement physique et 10 développement intellectuel.
Nos programmes présentaient ainsi, en abrégé, COmme une
encyclopédie de toutes les connaissances humaines. On ajoutait toujours, on ne retranchait jamais. On n'oubliait que deux
choses, c'est que la journée pour nos écoliers n'a que vingtquatre heures, et qu'une tête de seize à dix-sept ans ne
mesure qu'une certaine capacité.
De là cette faiblesse des études, malgré les efforts et l'habileté des maîtres; de là cette «moles indigesta rerum» sous
laquelle l'intelligence des enfants reste parfois ensevelie; de
là ee savoir hâtif qui s'évapore si vite. L'étendue des programmes, en effet, condamne les élèves à ne :savoir que par
à peu près, et à ne eonnaÎtre que la surface des choses; de
là ce dégoût que nos jeunes gens gardent de leurs études;
car ils ont dû s'en tenir à des nomenclatures, à des formules
arides, qui surexcitent la mémoire aux dépens de la raison
et ne laissent qu'un souvenir d'ennui.
�76
RENTRÉE SOLENNELLE
La barque était surchargée. Tout le monde en tombait
d'accord. Que va-t-on cependant jeter à la mer? Notre Mi:uistre, sans rien sacrifier d'essentiel, voudrait au moins simplifier quelques méthodes, et eommence par débarrasser nos
études de plusieurs exercices inintelligents et surannés. Stms
doute on sera divisé d'opinion sur l'étendue et le choix des
sacrifices qu'il comeille. Il appelle lui-même sur ces projets
la libre discussion. Ce n'est pas lc lieu ici d'apprécier ces
réformes. Je me borne à dire, que des esprits expérimentés
ont pu craindre que l'étude si essentielle des langues anciennes ne fût affaiblie par une transformation de méthode si
radicale. Assurément la part qui leur est faite sera amoindrie dans le nouveau plan d'études. Aussi je ne doute pas
que le 1\1inistre, qui sent si bien l'importance de ces études
pour une éducation libérale, ne se préoccupe de leur retrouver une place quelque part. Car il semble que la France
serait atteinte dans son génie, si cette antiquité classiquc,
dont elle a fait entrc toutes les nations modernes son glorieux
patrimoine et dont elle s'est nourrie, perdait quelque chose
de son inflnence dans l'éducation de nos jeunes générations.
Qu'est-ce que la Grèce, en effet, sinon l'esprit humain dans
toute la splendeur de la jeunesse? Qu'est-ce que Rome, sinon
le bon sens et le patriotisme dans toute sa grandeur? L'une
et l'autre ont été pour nos P(l'CS la grande école de logiqué,
de sentiments généreux, d'héroYsme; et plus que jamais nos
fils ont besoin de cette discipline morale.
Sans doute, avec le temps qui nous presse, et les diverses
études qui la solli<ûtent, nous ne pouvons plus retenir toute
notre jeunesse pondant de longnes années dans ce commerce
salubre et élevé des beaux génies et des grandes âmes de
l'antiquité. 1\fais du moins, comme compensation, il faut que
ceux de nos enfants qui se destinent aux carrières libérales,
après leurs études secondaires terminées, trouvent le moycn
et le loisir de prolonger ailleurs une fréquentation si utile de
Rome et de la Grèce.
�77
C'est naturellement aux Facultés des lettres, qu'il devra donc
appartenir désormais de compléter cette éducation littéraire.
Chaque chose aura repris sa place. La Faculté sera dans son
rôle et le Lycée dans le sien. Car le jeune homme doit sortir
, du Lycée plutôt apte à tout apprendre, qu'avec la prétention
de tout savoir i il ne doit pas avoir l'air de croire que toute
culture littéraire se termine au baccalauréat, et qu'il n'a plus
rien à apprendre en philosophie, en histoire, on lettres anciennes et modernes, quand il ontre à l'École de Droit ou
à l'École de Médecine.
Quand on aura ramené les études du Lycée à la mesure
où elles auraient dû toujours se borner pour être efficaces,
le Ministre voudra compléter cette réforme, en exigeant
qu'au sortir de l'enseignement secondaire, l'enseignement
supérieur saisisso régulièrement le jeune homme; et quo
nos Facultés des Sciences et des Lettres, au lieu d'un auditoire bénévole, trouvent là de véritables élèves. Il faudra
qu'à l'avenir, après l'examen du baccalauréat ès lettres, los
aspirants au moins à certaines fonctions publiques soient astreints, pendant la durée de leurs études professionnelles, à
l'enseignement supérieur littéraire ou scientifique, suivant
leur vocation.
Maintenant quel examen leur imposera-t-on, pour sanctionner cette obligation? La licence ès lettres actuelle dépasserait le but. Telle qu'elle est aujourd'hui constituée en effet,
avec ses compositions en vers latins et en thême grec, elle
demeurerait exclusivement réservée aux jeunes gens qui se
préparent au professorat. - ThIais au-dessous ou à côté de cette
licence professionnelle, il Y aurait lieu de constituer tout
exprès pour nos élèves en Droit une autre licence d'un cm'actère moins spécial, où, avec un morceau de critique ou
d'histoire littéraire écrit en français ou même en latin, on
demanderait aux candidats une composition d'histoire et une
dissertation de philosophie; et où ils seraient interrogés à
l'épreuve orale sur les littératures classiques grecque, latine
DES FACULTÉS.
�78
RENTREE SOLENNELLE
et française, et sur telle littérature étrangère qu'ils désigneraient. Ce serait ainsi une licence plus large, plus mondaine,
en quelque sorte, et mieux accommodée à la carrière de ces
jeunes gens. Après avoir dégrévé l'adolescence pendant les
premières études en réduisant le baccalauréat à des proportions plus modestes, ce serait le moyen efficace de contraindre
la jeunesse, à ne ,pas oublier au lendemain du baccalauréat,
tout ce qu'elle a appris au lycée, et à fortifier son éducation
classique.
Ce vœu que j'exprime u' est pas nouveau. Il s'est fait jour
déjà de partout depuis plusieurs années. Déjà en particulier
le Conseil académique de Douai, sur la proposition du doyen
de la Faculté des Lettres de cette ville, a formulé, dans ce
sens, le désir le plus explicite. Au nom de nos études littél'aires, dont l'avenir intéresse si vivement l'avenir même de
la patrie, je demande au Conseil académique de Nancy de
vouloir bien s'associer à une démarche si opportune.
Je ne dois pas finir cc Happort, sans ajouter quelques mots
sur les travaux particuliers do mes collègues. Je serai court.
D'ailleurs les plus jeunes, absorbés dans la préparation de
leurs Cours, n'ont guère pu vaquer à des œuvres personnelles.
Ils amassent des matériaux pour l'avenir. Les autres, en ces
temps où nous sommes, croient devoir délaisser en partie les
études de science purement spéculatives, pour faire l'œuvre
de citoyen. Ainsi M. de Margerie reste sur la brèche, se pOl't!J,nt partout avec une vaillance admirable où l'ordre moral et
social paraît menacé. S'il y a des jours en effet calmes et se·
reins, où la philosophie peut poursuivre en paix les recherches
de la science pure, elle doit, dans les temps troublés, sortir
parfois de son sanctuaire pour se jeter dans la mêlée des
hommes, pour lutter contrc les fausses doctrines, pour dissiper les ténèbres des esprits et rétablir dans leur lumière
les vérités qui sont le fondement de la société et de la vie
morale. C'est ainsi qu'au lendemain de la guerre, M. de Margerie, sous le titre de la Restauration de la FJ'ance, publiait
�DES FACULTÉS.
79
un beau volume, Où il étudiait avec une clairvoyance patriotique les misèrcs morales qui avaient amené nos désastres,
et les remèdes par lesquels la patrie pouvait encore être
sauvé.e. C'était un cours du semestre précédent, dont on
; l'avait prié de faire profiter la France entière. - Aujourd'hui
on lui demande pareillement de publier son cours non moins
opportun de cette année sur la Morale sociale. Voilà comme
ce noble esprit et ce bon citoyen, en s'accommodant aux
temps, trouve moyen de servir à la fois la science et son
pays.
On peut rapprocher ,à bien des égards, de l'œuvrepatriotique
de lYI. de Margerie, la charmante œuvre poétique que vient
de publier M. Campaux, sous le titre de Maisonnette. Virgile,
dit-on, aurait composé ses Géorgiques à la prière de Mécènes,
pour réveiller chez la population de l'Italie le goût de l'agriculture et le culte des vertus rustiques, qui avaient fait jadis
la grandeur de Rome. Tel semble être l'objet de la touchante
et salubre épopée pastorale, où M. Campaux s'est attaché à
exprimer la vertu de la vie champêtre pour rendre l'homme
à lui-même. On y respire en effet la saveur la plus vraie et
la plus saine de la vie des champs. La description des travaux de la ferme pourrait maintes fois être rapprochée des
peintures si exactes et si pittoresques des Géo1'giques. Un
roman plein de grâce et de chaste passion anime en même
temps tout le poëme. C'est une œuvre moderne par l'exquise
délicatesse des sentiments, mais vraiment antique par le
sentiment de la nature, la vérité originale des détails, et
parfois la perfection du style. Aussi personne ne songera à
reprocher à M. Campaux son infidélité à des muses plus
austères pour cette aimable équipée dans le champ de la
poésie. Sa .JUaisonnette déjà est des plus fréquentées: on
aime à y venir respirer la fraîcheur et la paix. En faisa11t
œUVle de poëte, il a fait lui aussi acte d'homme de bien.
J'aurais presque le droit de revendiquer encore au compte
de notre Faculté des Lettres, plusieurs livres de lU. Eugène
�80
RENTRÉE SOLENNELLE
Benoist, notre ancien collègue, aujourd'hui professeur ù
Aix en Provence. Car, bien que ces ouvrages aient été publiés
depuis son départ d'ici, l'auteur les avait composés dans
l'asile de notre Faculté, et il les a dédiés à ses anciens amis
et collègues de Nancy. Ce sont des notes excellentes sur le
VC livre de Lucrèce. Mais c'est surtout le IIIG volume de
cette édition de Virgile, qui fait tant d'honneur à la science
française et à l'Université. Ce volume couronne dignement
une œuvre qui avait excité tant d'espérance. Je sais qu'en
parant notre Faculté de Nancy de ces savants ouvrages de
:U. Eugène Benoist, je réponds encore au vœu secret d'un
excellent collègue, que nous n'avons possédé que quatre ans,
mais qui de cœur nous appartient toujours.
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
1872 - Inauguration de la Faculté de médecine et rentrée des Facultés de droit, des sciences et des lettres de Nancy, le 19 Novembre 1872
Description
An account of the resource
<ol><li>Académie de Nancy. Administration Académique. p.1. </li>
<li>Académie de Nancy.Conseil Académique. p.1. </li>
<li>Académie de Nancy. Enseignement Supérieur. Faculté de droit. p.2. </li>
<li>Académie de Nancy. Enseignement Supérieur. Faculté de médecine. p.2-4. </li>
<li>Académie de Nancy. Enseignement Supérieur. Faculté des sciences. p.4. </li>
<li>Académie de Nancy. Enseignement Supérieur. Faculté des lettres . p.4. </li>
<li>Procés-Verbal de la séance. p.5-7. </li>
<li>Discours de M. Le Recteur. p.9-18. </li>
<li>Rapport de M. Le Doyen de la Faculté de droit. p.19-36.</li>
<li>Discours de M Le Doyen de la Faculté de médecine. p.37-46. </li>
<li>Rapport de M. Le Doyen de la Faculté des sciences. p.47-60. </li>
<li>Rapport de M. Le Doyen de la Faculté des lettres. p.61-80. </li>
<li>Rapport de M. Ed. Simonin, Directeur de l’École de médecine et de pharmacie. p.81-87. </li>
<li>Notes. p.88. </li>
<li>Rapport sur les concours entre les étudiants de la Faculté de droit de Nancy pour l’année 1871-1872, par M. Paul Cauwès, agrégé. p.89-100. </li>
<li>Distribution des prix. Faculté de Droit. p.101-104. </li>
<li>Distribution des prix. Ecole de médecine et de pharmacie. p.105-106. </li>
<li>Lettre de M. Jules Simon, Ministre de l’Instruction Publique à M. Le Doyen de la Faculté de médecine. p.107-116.</li>
</ol>
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1872
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Rapport de M. Le Doyen de la Faculté des lettres
Subject
The topic of the resource
Rapport du Doyen de la Faculté des lettres
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
BENOIT, Charles
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Berger-Levrault et Cie. 11, Rue Jean-Lamour, 11
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1873
Contributor
An entity responsible for making contributions to the resource
Direction de la Documentation et de l'Edition (Université de Lorraine); Institut François Gény (EA 7301 Université de Lorraine); Décanat de la Faculté des Sciences (Université de Lorraine); Décanat de la Faculté de Droit Sciences économiques et gestion de Nancy (Université de Lorraine); Maison des sciences de l'homme Lorraine (Université de Lorraine); Bibliothèque-médiathèque de Nancy
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Language
A language of the resource
fr
Type
The nature or genre of the resource
publication en série imprimée
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Nancy (Meurthe-et-Moselle)