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�UNIVERSITÉ DE FRANCE -
ACADÉMIE DE NANCY
RENTRÉE SOLENNELLE
DES
ET DE
L'ÉCOLE SUPÉRIEURE DE PHARMACIE
DE NANOY
Le 28 Novembre 1882
NANCY
IMPRIMERIE BERGER-L EVRA DL '1' ET Cie
Il,
UUE JJ>AN-LAMOUU,
1883
Il
��DARWIN
SA
VIE
ET
SON
ŒUVRE
DISCOURS
PRONONCÉ A LA RENTRÉE SOLENNELLE DES I<'ACULTÉS
LE
28
NOVEMBRE
1882
MESSlEtms,
En me confiant le soin de porter la parole en leur nom,
mes collègues de la Faculté des seienees ont compté sur
mon zèle plutôt que caleulé mes forees, et je me vois obligé
de réelamer dès l'abord touLe votre indulgence.
Je n'oserais, comme on l'a fait dans les solennités semblables des années précédentes, ni retracer le passé de notre
corps, ni tenter d'esquisser son avenir, do formuler ses vœux.
Je craindrais de me laisser entraîner, en de pareils sujets, à
trop de détails techniques et en quelque sorte personnels.
Dans ces réunions plénières, où se groupent, à côté de nos
étudiants,· tous ceux qu'intéresse le mouvement intellectuel
pris dans l'ensemble de ses manifestations diverses, on voudrait n'aborder que des sujets d'un intérêt général. La difficulté est grande pour l'homme de science habitué à COncentrer ses efforts sur un champ étroit qu'il doit retourner en
�30
SÉANCE DE RENTRÉE.
tous sens et creuser jusqu'au fond. Un petit nombre de génies
privilégiés ont su allier la profondeur et l'étendue des recherches, dépasser les bornes du monde scientifique sans abandonner la méthode rigoureuse de la science. L'un deux, l'un
des plus puissants et des plus universels, est mort cette
année; sa longue et glorieuse carrière vient de se terminer
en plein succès et si, pendant bien des années, les conséquences de son action scientifique doivent encore se dérouler
nombreuses et fécondes, du moins, son œuvre personnelle
est close et peut dès aujourd'hui être examinée dans son
ensemble.
Perniettez-moi d'espérer qu'à défaut du talent de son interprète, le génie de Charles Darwin suffira à retenir votre
attention quelques instants.
En pourrait-il être autrement quand on songe au nombre
immense d'idées que cet homme a remuées, directement ou
indirectement, depuis vingt-cinq ans? Naturaliste pur à ses
débuts, Darwin n'a jamais laissé paraître la prétention de
sortir de ce rôle, et cependant il a vu des philosophes, des
moralistes et jusqu'à des éconoülÎstes et des hommes politiques se proclamer ses disciples, emprunter ses procédés de
raisonnement, copier ses formules de langage: en littérature comme en histoire, comme en psychologie, On parle
aujourd'hui de lutte pour l'existence, de sélection, d'évolution. Et, si l'on peut dire que l'idée d'une transformation
lente et graduelle dans tous les objets de la pensée humaine
est antérieure à Darwin, peut-être aussi ancienne que la
pensée elle-même, du moins faut-il convenir que c'est bien
au naturaliste anglais que revient l'honneur d'avoir découvert la sélection naturelle, comme moyen, et la lutte pour
• l'existe nce, comme raison d'être de ce perpétuel devenir
signalé avant lui.
Il est si rare de voir un homme obtenir plus de célébrité
qu'il n'en a désiré, que je vous demande la permission de
vous retracer'brièvement l'existence de notre auteur, pour
�DISCOURS DE M. LE MONNIER.
31
prouver ce que j'avança.is tout à l'heure, qu'il ne chercha
jamais à sortir de son rôle de naturaliste et que s'il devint
l'initiateur d'une philosophie nouvelle, cet honneur lui échut
sans qu'il l'eût cherché, presque sans qu'il parût s'en apercevoir.
Charles-Robert Darwin est né à Shrewsbury le 12 février
1809; sa famille, pourvue d'une large aisance, avait le goût
ct la tradition de la haute culture intellectuelle; on y conlServaït pieusement le souvenir d'Érasme Darwin, qui fut au
siècle dernier un écrivain distingué; aussi, le jeune homme
eut-il toute liberté de se consacrer à l'étude désintéressée.
Après avoir fait ses études à l'Université de Cambridge et
pris ses grades à Édimbourg, Darwin s'embarquait le 27 décembre 1831 à bord du Beagle pour faire, sous la conduite du
capitaine Fitz-Roy, un voyage autour du monde qui dura
cinq ans. Peu après son retour, il épousa une de ses cousines,
petite-fille du célèbre potier Wedgwood, et se fixa à Down
qu'il n'a plus quitté jusqu'à la fin de sa vie. Cette résidence,
assez voisine de L0ndres pOUl' lui permettre d'entretenir des
relations avec l'élite des savants anglais, était assez rctirée
cependant pour lui laisser tout le loisir nécessaire aux immenses travaux qu'il allait accomplir. La délicatesse de sa santé
et, en particulier, la faiblesse de sa voix, l'avaient éloigné du
professorat, la seule carrière qui eût pu le tenter, en sorte
que les patriarcales fonctions de magistrat de son comté
furent ses seuls devoirs officiels.
Darwin a travaillé jusqu'à sa mort, survenue le 14 avril
1882: c'est donc un labeur de quarante-trois ans qu'il a donné
iL la science. Dans ses dernières années, il fut souvent aidé
par ses fils Francis, William et Horace qu'il se plaît à citer
dans ses œu vres. La simplicité, la dignité d'une telle vie
attirent déjà la sympathie et la confiance; après avoir fait
connaissance avec l'homme, étudions le savant.
Les premières publications de Darwin, faites de 1840 à
1843, consistent en mémoires exposant les résultats des obser-
�32
SÉANCE DE RENTRÉE.
vations recueillies pendant son voyage sur le Beagle. Ce
sont des travau:so purement descriptifs, qui valurent il. lcur
auteur l'estime des naturalistes de profession sans attirer
l'attention du grand public. Son Journal de voyage daté de
1854, d'un intérêt plus général, a été traduit en français depuis que l'on s'est plu à retrouver dans cette œu.'e de jeunesse les premiers germes des idées qui ont illustré l'auteur;
mais il faut convenir que les contemporains de l'œuvre
n'avaient nullement aperçu ce que nous y voyons aujourd'hui.
Un grand ouvrage publié de 1851 à 1853 sur les Cirrhipèdes vivants et fossiles conquit à Darwin une autorité scientifique de premier ordre. En joignant à l'étude des animaux
complètement développés, l'observation de leursfol'mes embryonnaires, l'auteur arrivait à modifier, sur un point capital,
la classification de Cuvier; il reportait dans le voisinage des
écrevisses et des crabes ces animaux que le naturaliste français avait placés à côté des huîtres ou des moules. Pour faire
accepter un changement de cette importance, il fallait une
démonstration complète: il la donnait en maître.
Je ne puis songer à vous présenter la liste complète,
encore moins l'analyse des nombreux travaux qui maintenaient, en l'agrandissant peu à peu, la réputation de Darwin.
En 1859 seulement, le coup d'éclat fut frappé par la publication de l'ouvrage intitulé: De l'Origine des espèces.
Celte œu vre capitale n'est, cependant, qu'un écrit de circons·
tance rédigé à la hâte, sur les instances de ses amis. Darwin
était si peu pressé de faire connaître ses théories nouvelles
qu'il fallut la menace d'une publication analogue pour le
décider. M. Wallace était arrivé à une conception semblable
à la sienne, il imprimait son œuvre: les amis de Darwin,
depuis longtemps avertis par ses conversations qu'il possédait
sur la question des lumières bien autrement complètes, ne
lui permirent pas de se laisser ravir la gloire de la priorité.
On ne risquait rien d'ailleurs à presser la rédaction du livre;
�DIscouns DE
LE
;\fONNlEl\.
cc li' est pas par l'habile disposition des matériaux, par le
charme de la narration ou par l'éclat du style que les œuvres
du naturaliste anglais ébranlent les opinions reçues, entraînent la conviction vers des croyances nouvelles. L'accumulation des faits, la précision dans les détails, le soin de retourner la question sur toutes ses faces, de réfuter toutes les
hypothèses autres que la sienne, voilà les seuls moyens qu'il
emploie; il s'inquiète peu d'être long, il ne vise qu'à être
complet; tant pis pour le lecteur que cela rebute, sa lassitude
nc prouve qu'une chose, c'est qu'il n'a pas un assez vif désir
de trouver le vrai.
POlir nous faire une idée de ce livre, nous ne pouvons le
séparer d'un second ouvrage publié. en 1868 sous ce titre:
Variations des animmvx et des
èt l'état domestique.
Ce dernier contient en effet les pièeesjustificatives des assertions émises dans le premier.
A la doctrine ancienne des espèces immuables que Linnée
avait résumée dans cette phrase si nette: «Il y a aujourd'hui
autant d'espèces dl:stinctes qtte Dieu en a c1'éé de différentes en
faisant lemonde», il s'agit de substituer cette doctrine nouvelle,
que les espèces, subissant l'action des conditions extérieures,
obéissant aussi à des nécessités internes, vont se modifiant peu
à peu, sans que rien paraisse limiter l'étendue de ces variations.
Pour arriver à cette conclusion, Darwin abandonne la base
d'opérations qui avait servi jusque-là à tous les naturalistes.
Avant lui, on étudiait beaucoup les espèces sauvages, les
animaux etJes plantes développés hors du contact de l'homme i
en les décrivant minutieusement on arrivait à les grouper.
en espèces, différant les unes des autres par des caractères
souvent bien légers, mais en revanche, constants; quant
aux animaux de nos étables et de nos basses-cours, quant
aux plantes de nos jardins, on les écartait systématiquement,
on en laissait l'étude aux agronomes, aux horticulteurs. Ils
ne trouvaient place ni dans les musées, ni dans les herbiers.
C'est qu'en effet il était bion difficile de leu!' trouver ces
�34
SÉANCE DE RENTRÉE.
caractères constants qui permettent une classification rigou·
reuse. On se tirait de la difficulté en disant que l'inflnence
de l'homme avait troublé les lois de la nature et détruit sa
belle harmonie. Darwin pensa différemment; il trouva que
l'homme était bien petit pour une œuvre si grande, il douta
que, s'il nous est impossible de faire varier la vitessC' de la
pierre qui tombe, il nous fût permis de changer la loi de
l'hérédité, d'influer sur la dose de ressemblance ·que la
nature des choses exige entre le parent et son descendant
et, réfléchissant que nous ne savons rien de la généalogie
des individus sauvages pêchés au fond de la mer, ou rccueillis dans une course rapide à travers la forêt, il conclut que
nous ne pouvons rien affirmer de leur ressemblance avec les
générations antérieures. Seuls les êtres vivant à l'état de
domesticité peuvent être comparés avec leurs ancêtres; c'est
donc eux qu'il faut étudier tout d'abord si nous voulons
savoir dans quelle mesure la ressemblance est étroite entre
les ancêtt:es et leur descendance.
Parmi les nombreux exemples qu'il a traités, voyons cc
qu'il fit pour les pigeons. Grâce à de longues recherches, il
arrive à en collectionner cent cinquante formes différentes
qu'il décrit après un examen minutieux de leurs -formes extérieures, de lem squelette et de leurs mœurs. Appliquant
alors à cette vaste collection les procédés habituels de classification, il les groupe en espèces offrant des variétés ct sc
répartissant en cinq genres, aussi distincts que ceux que l'on
est habitué à rencontrer dans les groupes voisins. D'autre
part, profitant de l'intérêt que ces jolis oiseaux ont toujours
excité chez un certain nombre d'amateurs, il peut réunir des
documents historiques certains sur l'époque et le lieu d'origine des formes qu'il a distinguées et il établit ce résultat
fondamental que toutes ces formes sont nées, depuis les temps
historiques, sous les yeux de l'homme, et reconnaissent tontes
pour souche unique le ramier, qui vit encore aujourd'hui, à
l'état sauvage, avec sa forme primitive.
�DISCOURS DE M.
LE MONNIER.
35
Ainsi, d'uné seule espèce il peut naître cinq genres différents et cent cinquante formes discernables, dans un temps
relativement court. Que serait-ce si l'expérience pouvait être
continuée pendant des périodes infinimentplus prolongées?
Que serait-ce, sinon la variation illimitée, franchissant les
limites de la famille après celles du genre, bouleversant toute
la classification, la réduisant à n'être plus que la représentation d'un état passager, au lieu de l'expression d'une création
immuable?
Toutefois, il est certain que, d'une génération à celle qui
la suit immédiatement, les différences ne sont jamais que très
faibles. Pour que la variation devienne un peu notable, il faut
donc qu'une cause constante vienne accumuler ces différences
minimes dans une des branches du ti'onc primitif. Dans l'état
domestique, cette cause c'est la volonté de l'homme qui, pour
son plaisir ou pour son intérêt, choisit dans chaque génération les individus les plus conformes au type qu'il veut perpétuer, les soigne, maintient autour d'eux les conditions favorables pour qu'ils transmettent à leurs descendants le
caractère qui les a fait préférer. En peut-il être de même dans
la nature et ne doit-on pas plutôt supposer qu'à une variation dans un sens, en succédera une de sens contraire, les
individus oscillant autour d'un type moyen qui serait le véde l'espèce? C'est ici qu'une seconde
ritable
conception vient compléter le système et lui donner une force
que n'avaient jamais eue les théories analogues des précurseurs de Darwin.
Si tout germe devait arriver, sûrement et sans risque, au
terme normal de son existence, cette variation vague et insensible serait certainement la règle. Mais combien il est loin
d'en être ainsi? Il suffit pour s'en rendre compte de songer
aux innombrables existences qui ne franchissent pas les premiers âges de la vie. Combien d'œufs arriveront-ils à fournir
un animal adulte sur les trois cent mille que porte la femelle
de certains poissons? Combien de graines deviendront des
�36
SEANCE DE RENTRtE.
arbres, sur les millions que produit ehaque année la forêt?
'l'antôt les circonstances de température, d'humidité 1 empêcheront même l'éclosion de l'œuf ou la germination de la
graine; tantôt des ennemis dévoreront la jeune plante, le
jeune animal, bien avant qu'ils aient pu se reproduire; d'autres
fois enfin, l'insuffisance des aliments amènera la mort prématurée de l'immense majorité des gonnes éclos. En sorte que
si nous considérons l'espèce, non plus dans la plate-bande
sarclée d'un jardin ou dans l'écurie bien approvisionnée, mais
dans la nature sauvage, nous verrons que chaque individu
doit résister à de nombreuses chances de destruction avant
de devenir lui-même la souche de générations nouvelles.
Mais alors, sera-ce le hasard qui distribuera la victoire dnntl
cette lntte pon?' l'existence? N'est-il pas évident que des <lil'férences d'organisation en apparence légères pourront assurer le succès aux individus le mieux à même d'échapper
péril ou de lui résister? S'il en est ainsi, ces individus privilé.
giés contribueront pour une plus forte part que les autres ,\ la
formation de la seconde génération; leur adaptation plus précise aux conditions qui leur sont faites, aurajo';é lerôleql;l',
dans la domestication, nous avons attribué à la volonté humaine; il Y aura une sélection natnrelle, à l'état sauvage,
comme il y a une sélection artificielle, sous l'empire de
l'homme.
Telle est l'économie générale du système, telles sont ses
bases tirées des idées les plus simples, les plus claires. Quant
aux conséquences, les unes sont d'ordre purement scientifique, les autres affectent une tendance plus générale et pas·
sent à un système philosophique particulier.
Les premières consistent en une impulsion puissante donnéc
aux études qui concernent les mœurs des animaux, les habitudes des plantes. Si, en effet, l'être vivant est susceptible de se
modifier pour se mettre en harmonie ayec le milieu qui l'en·
toure, il ya lieu de rechercher quelles sont les conditions (lui
agissent sur lui, quelle est l'action de chacune d'elles, en un
�D[SCOr;ns DE '(>
LE :\WNXIEfl
mot, de l'étudier dans son milieu au lieu de l'étudier en luimême et en quelque sorte isolément. C'est il. ce genre de travaux que Darwin revint bien vite, une fois sa grande théorie
lancée. Il se plaisait à ces études de détail dont chacune apporte quelques faits nouveaux et certains; il excellait à découvrir les relations les plus cachées, à instituer les eXpériences les plus ingénieuses, tantôt pour démontrer que rien n'est
dû au hasard ni accordé à un luxe inutile clans les formes les
plus étranges et les plus compliquées cles fleurs des orchidées,
tantôt pour nous révéler chez les animaux les plus humbles,
chez les vers de terre, par exemple, les ouvriers du merveilleux
travail auquel nous devons l'existence de la couche fertile qui
recouvre nos champs. Cette étude sur les vers de terre date
de l'année dernière seulement; il est certain que si Darwin
avait vécu plus longtemps, d'autres sujets d'études analogues
lui auraient fourni la matière de nouvelles découvertes. Lui
disparu, l'idée directrice reste pour guider tous les travailleurs qui voudront s'engager à sa suite: ce sera la restauration d'une branche de l'histoire naturelle qui semblait en
" pris pal'
grand danger de périr, depuis les
les sciences anatomiques, la physiologie expérimentale et la
pure description. Darwin aura ainsi renoué la chaîne qui
était restée interrompue après Réaumur, Charles Bonnet et
les Huber.
D'autre part, la notion de la transformation illimitée des
espèces fournit une nouvelle manière de comprendre la succession des êtres vivants à la surface du globe. Darwin n'a
certes pas méconnu ce côté de son œuvre; il n'a pas reculé
devant l'énoncé précis de cette cosmogonie nouvelle et il enseigne sans ambiguïté que notre flore et notre faune actuelles
ont dû, par le jeu pur et simple des lois naturelles, sortir des
flores et des faunes antérieures, sans qu'il ait été besoin d'intervention répétée. de la puissance créatrice. Il aborde jusqu'au problème de l'origine de l'homme, montrant que
l'homme par son organisation tout entière, par ses maladies,
�38
SÉANCE DE RENTRÉE.
par ses difformités accidentelles, se comporte comme toute
autre espèce animale et doit son origine aux mêmes lois. Il
ne peut, ,sans doute, nous décrire la forme animale d'où est
sortie l'espèce humaine. Mais combien d'autres lacunes ne
trouve - t- on pas dans l'histoire mutilée de la nature? Au
point de vue moral et intellectuel, il n'ignore pas la distance qui éloigne l'homme de la bête, mais il sait voir celle qui
sépare l'homme fait de l'enfant naissant. A qui lui demande
l'époque où l'espèce humaine fut douée d'une âme immortelle,
il répond, en demandant.à quel jour chacun de nous reçut la
sienne. Il s'excuse, d'ailleurs avec une parfaite bonne foi, ùu
chagTin qu'il va causer à bien des personnes qu'il estime ct
qu'il aime, en troublant leurs plus chères croyances; mais il
n'a pas pensé, dit-il, que cette considération dût l'empêcher
de publier ce qu'il croit être le vrai. C'est d'ailleurs à regret
que Darwin met le pied sur le domaine philosophique; il sait
d'avance que les métaphysiciens s'arrangeront de son système
comme de celui qui prévalait avan.t lui; il n'a pas la préten·
tion d'embarrasser les théologiens plus que ne l'a fait Galilée;
et il a trop iL apprendre dans l'étude des faits pour discuter
avec les uns ou disputer avec les autres.
Cette attitude, la seule vraiment digne d'un savant, n'a pas
peu contribué à concilier à Darwin l'estime et le respect de
tous les partis. C'est grâce à cette sage réserve que, au len.{lemain de sa mort, l'Angleterre a pu décerner à l'enfant
dont elle était fière, les suprêmes honneurs qu'elle réserve à
ses plus grands hommes. Les savants de Londres ont été
unanimes à demander que la sépulture de Darwin trouvât
place, dans l'abbaye de vVestminster, à côté de celle de Newton, et le représentant de l'Église anglicane, le doyen de
l'abbaye, n'a pas cru devoir s'y opposer. Il accueillait dans
l'enceinte sacrée les restes d'un dissident; il n'avait pas à
craindre de paraître ouvrir cet asile à la glorification d'un
enneml.
Les disciples de Darwin n'ont pas toujours imité sa réserve.
�DISCOURS DE M. LE ;\IONNIER.
"
surtout,
39
Beaucoup, en Allemagne
se sont lancés à corps
perdu dans le développement du point de vue philosophique
de la doctrine. Ils ont bientôt dépassé le maître et érigé en
un dogme, ce que l'auteur avait posé comme une hypothèse.
L'accueil fait en France aux idées de Darwin pourrait paraître froid comparé à celui qu'elles ont reçu en Angleterre
et en Allemagne. Il est certain que notre Académie des
sciences ne lui a donné qu'une place de second ordre parmi
ses correspondants, alors qu'elle mettait au premier rang de
ses associés étrangers d'autres naturalistes qui, eux-mêmes,
protestaient contre ce choix. Il est vrai que cette même Académie déclarait, par l'organe d'un de ses membres les plus
autorisés, que Darwin avait été élu correspondant malgré ses
doctrines subversivès et à cause de ses travaux de détail.
Mais, parmi les naturalistes plus jeunes, la majorité, en
France comme à l'étranger, rend justice, aujourd'hui, à la valeur des conceptions transformistes. On aime à les considérer
comme une synthèse à la fois ingénieuse et grandiose, qui
résume les faits acquis et dirige les recherches nouvelles.
Également éloignée d'une routine rebelle au progrès et d'un
engouement excessif, l'École dont je parle honore en Darwin
un de ces puissants génies qui viennent de loin en loin
renouveler la face de la science; elle croirait l'amoindrir en
l'érigeant en pontife infaillible d'un dogme immuable.
��
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
1882 - Rentrée Solennelle des Facultés et de l'École Supérieure de pharmacie de Nancy, le 28 novembre 1882
Description
An account of the resource
<ol><li>Académie de Nancy. Administration Académique. p.5.</li>
<li>Académie de Nancy. Conseil Académique. p.6.</li>
<li>Académie de Nancy. Enseignement Supérieur. Faculté de droit. p.7.</li>
<li>Académie de Nancy. Enseignement Supérieur. Faculté de médecine. p.8-9.</li>
<li>Académie de Nancy. Enseignement Supérieur. Faculté des sciences. p.9.</li>
<li>Académie de Nancy. Enseignement Supérieur. Faculté des lettres. p.9-10.</li>
<li>Académie de Nancy. Enseignement Supérieur. École Supérieure de pharmacie. p.10.</li>
<li>Procés-Verbal de la séance. p.11-12.</li>
<li>Discours de M. Le Recteur. p.13-27.</li>
<li>Darwin, Sa vie et son œuvre, Discours prononcé à la Rentrée-Solennelle des Facultés, le 28 novembre 1882. p.29-39.</li>
<li>Rapport de M. Lederlin, Doyen de la Faculté de droit, sur les travaux de la Faculté pendant l'année scolaire 1881-1882. p.41-53.</li>
<li>Paroles Prononcées sur la tombe de M. Ernest Duboix, Professeur à la Faculté de Nancy, par M. Lederlin, Doyen, le 9 avril 1882. p.64-57.</li>
<li>Publications des Membres de la Faculté de droit pendant l'année scolaire 1881-1882. p.57.</li>
<li>Rapport de M. Tourdes, Doyen de la Faculté de médecine sur les Travaux de la Faculté de médecine pendant l'année scolaire 1881-1882. p.59-88.</li>
<li>Publications des Membres de la Faculté de médecine pendant l'année scolaire 1881-1882. p.89-92.</li>
<li>Rapport de M. Le Doyen de la Faculté des sciences . p.93-109.</li>
<li>Paroles Prononcées sur la tombe de M. Delbos, Professeur de Géologie à la Faculté des sciences de Nancy, par M. L. Grandeau, Doyen, le 8 juin 1882. p.110-112.</li>
<li>Publications des Professeurs de la Faculté des sciences pendant l'année scolaire 1881-1882. p.113-115.</li>
<li>Rapport sur l'Enseignement et les Examens dans la Faculté des lettres de Nancy (1881-1882). p.117-143.</li>
<li>Rapport de M. Le Directeur de l'École Supérieure de pharmarcie au Conseil Académique. p.145-153.</li>
<li>Publications des Membres de l'École Supérieure de pharmacie pendant l'année scolaire 1881-1882. p.154-155.</li>
<li>Rapport sur les concours entre les étudiants de la Faculté de droit de Nancy pendant l'année scolaire 1881-1882, par M. Gardeil, Agrégé à la Faculté. p.157-163.</li>
<li>Distribution des prix. Faculté de droit. p.165-167.</li>
<li>Distribution des prix. Faculté de médecine. p.167-169.</li>
<li>Distribution des prix. École Supérieure de pharmacie. p.169-170.</li>
<li>Table. p.171.</li>
</ol>
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1882
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Darwin, Sa Vie et son œuvre, Discours Prononcé à la Rentrée Solennelle des Facultés, le 28 novembre 1882
Subject
The topic of the resource
Discours relatif à la vie et à l'œuvre de Darwin
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
LE MONNIER
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Berger-Levrault et Cie. 11, Rue Jean-Lamour, 11
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1883
Contributor
An entity responsible for making contributions to the resource
Direction de la Documentation et de l'Edition (Université de Lorraine); Institut François Gény (EA 7301 Université de Lorraine); Décanat de la Faculté des Sciences (Université de Lorraine); Décanat de la Faculté de Droit Sciences économiques et gestion de Nancy (Université de Lorraine); Maison des sciences de l'homme Lorraine (Université de Lorraine); Bibliothèque-médiathèque de Nancy
Rights
Information about rights held in and over the resource
Fichier placé sous licence Etalab (http://www.etalab.gouv.fr/pages/licence- ouverte-open-licence-5899923.html)
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
Language
A language of the resource
fr
Type
The nature or genre of the resource
publication en série imprimée
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Nancy (Meurthe-et-Moselle)